6 mois à la jungle de Calais
J’ai réalisé un petit film pour témoigner de ce que j’ai vécu à Calais :
Un petit film en francais : https://www.youtube.com/watch?v=RHwo5NgOErw
en breton, Setu ar filmig : https://www.youtube.com/watch?v=4V70_WJ6oKs
the film in english : https://www.youtube.com/watch?v=qSoLZmeUXTc
en español : https://www.youtube.com/watch?v=EOBx3O8Iqwk
deutsh :https://www.youtube.com/watch?v=pYYmLQB_46c
dutch : https://www.youtube.com/watch?v=aITK2en8VrQ
italian :https://www.youtube.com/watch?v=QApDyeIgjgI
31 janvier 2016 : Nouvelles de Calais
Photos : ci-dessus : Camp de grande-synthe près de Dunkerque
Je rentre de Calais et de Dunkerque où j’avais décidé d’aller pour tenter de comprendre un peu mieux la situation des « migrants ». Je viens de passer 10 jours avec des hommes, des femmes et des enfants qui fuient la guerre ou une dictature pour tentent de retrouver un membre de leur famille en Angleterre et reconstruire une vie. Ils vivent une situation transitoire, mais la frontière est fermée. En attendant de trouver une solution à leur avenir, ils sont « parqués » dans des camps ( La « jungle » à Calais, Grande-Synthe près de Dunkerque). Des collectifs de bénévoles locaux sont en place depuis plusieurs années, de nombreux anglais se sont joints à eux pour cuisiner, collecter et distribuer des vêtements, construire des logements, mais les gens s’essoufflent, ils ont besoin de soutiens. Ce problème est complexe et en attendant que les sociétés changent, que l’exploitation de l’homme par l’homme cesse, que l’on arrête la vente d’armes, ( ce qui devrait prendre un peu de temps…), nous nous devons d’accueillir dignement ces gens en souffrance…
Le collectif Utopia 56 a été créé pour mobiliser les soutiens en Bretagne.
N’hésitez pas à les contacter.
Février 2016 : Appel pour Calais !
La préfète du Pas de Calais a annoncé que la jungle serait démantelée… Ce qu’elle propose n’est pas une solution au problème des migrants, elle ne fait que déplacer le problème pour « soulager » la population calaisienne, alors je partage mon indignation :
Songez à l’histoire d’un migrant : un homme seul ou accompagné d’une femme, d’un enfant qui fuit les bombes ou la dictature de son pays dans l’espoir de trouver un lieu de paix pour exister. Des membres de sa famille vivent en Angleterre, il parle anglais et veut aller dans ce pays. A sa place, que l’on soit blanc noir, parisien, breton ou calaisien, ouvrier, patron, sans emploi ou agriculteur, ne tenterions- nous pas de faire la même chose que lui ?
Accueillir l’être dans le besoin, prendre soin de celui qui est faible, n’est ce pas ce que l’on prône à nos enfants ? Mais, en lisant la presse tout en ayant côtoyé les êtres qui vivent dans la « jungle », j’ai l’impression d’être devenu citoyen d’un pays qui a perdu son humanité…
Le tort de ces êtres est-il d’être né dans un pays qui ne peut pas se permettre de vendre des armes à l’étranger, de faire la guerre ailleurs pour faire fonctionner son économie?
Rappelez-vous les migrations de populations pendant la seconde guerre mondiale… Est-ce une tare d’être originaire d’un pays en guerre et de fuir ?
A Calais, la zone destinée à être rasée abrite au moins le double de la population annoncée dans les médias. Grâce à l’aide des bénévoles et des associations comme MSF, des hommes, des familles ont désormais un habitat « en dur ». Personnellement, après avoir dépassé ma vision française d’un bidonville et rencontré les habitants, j’y ai découvert beaucoup d’humanité. Un dôme permet de partager des activités culturelles, les mineurs isolés sont pris en charge par des adultes multiculturels, la nourriture est préparée et mangée collectivement dans des lieux conviviaux, vêtements, couvertures sont distribués de façon structurée… Les initiatives y sont nombreuses… Et si on le voulait vraiment, il serait sans doute possible de rendre ce lieu salubre.
Mais le gouvernement veut détruire tout cela… En proposant de reloger une partie des migrants dans des conteners, ou d’en envoyer quelques uns dans des Centres d’accueil et d’orientation… Un être en souffrance mérite une attention délicate et à la place de cela, on va lui prendre ses empruntes palmaires pour le stocker dans un lieu où il sera totalement assisté : aucune possibilité de cuisiner en famille, repas distribués sans convivialité… Les migrants qui en ont encore la force risquent de retourner camper dans la nature, dans la boue de Grande-Synthe près de Dunkerque ou ailleurs… Déplacer le problème semble la solution choisie par le gouvernement. Bravo ! Quelle belle vision à long terme !
Un être humain dans le pays des droits de l’homme, ne peut-il pas espérer un peu mieux que cette proposition ?
La jungle fonctionne et la France ne peut pas simplement servir de régulateur de flux de migrants en Angleterre… Notre pays est capable de beaucoup mieux…
Quel français accepterait ces conditions de vie sans sentir une colère contre son « hôte »… Si vous avez eu la chance de voyager chez ces gens avant que ces pays ne soient en conflit, vous savez bien ce que l’accueil du voyageur, le repas partagé, la vie communautaire, la famille signifie pour un Syrien, un Pakistanais, un Iranien… (Personnellement, j’ai eu la chance de traverser ces trois pays en auto-stop, j’y ai reçu un accueil merveilleux et j’ai simplement honte du gouvernement hypocrite de mon pays et de celui de l’Angleterre…)
Alors s’il vous plait, si vous en avez la possibilité physique, allez à Calais, allez le plus rapidement possible à la rencontre des hommes, femmes et enfants qui fuient la guerre, apportez-leur un peu d’amour et recevez leur humanité, protégez-les de notre gouvernement inhumain, dites aux médias que nous ne supportons plus leurs « reportages choc » qui dénaturent la vérité et engendrent des amalgames… Ces migrants fuient des attentats quotidiens… Les Calaisiens ne doivent pas supporter seuls cette situation mais les communes de la France et de l’Angleterre pourraient aisément s’en charger… Nombre d’entre elles sont déjà prêtes à accueillir quelques familles, des gens sont prêts aider localement des réfugiés dans nos deux pays… Pourquoi avoir peur de l’étranger qui est simplement un être empli de richesses différentes des nôtres… Nous attendons une vraie proposition d’accueil et d’écoute avant de songer à démanteler cette jungle…
Et si vous ne pouvez pas aller à Calais, s’il vous plait, faites circuler ce message pour que d’autres y aillent avant que les migrants ne se retrouvent de nouveau à la rue…
Merci.
Samuel
PS: une petite chanson qui date de quelques années…
https://soundcloud.com/jean-paul-raffel/dou-les-gens-viennent
ci-dessus : photos prises sur « la jungle »
Démantellement : Inhumain !
Voici quelques nouvelles de ce troisième séjour à Calais:
Témoin de la violence des interventions policières face à la résignation des réfugiés, je vous transmet un communiqué rédigé mardi par les associations locales pour répondre aux informations mensongères annoncées par l’état et relayé dans les médias :
Communiqué de presse
Calais, le 1er mars 2016
Le démantèlement d’une partie de la zone sud du bidonville de Calais a débuté lundi 29 février et se poursuit mardi 1er mars.
Les associations de soutien aux réfugiés de Calais constatent les faits suivants :
- Une expulsion manu militari
- Des réfugiés sous la menace et la désinformation ont été sommés de quitter leur habitation dans des délais allant de 1 heure à 10 minutes
- En cas de refus d’exécution, certains réfugiés ont été extraits de leurs abris par les forces de police, et pour certains interpellés immédiatement.
- Des personnes ont été tenues à distance de leur lieu de vie et empêchées d’y retourner permettant aux forces de police de considérer ces abris comme vides et de procéder à leur destruction.
- Des réfugiés montés sur le toit de leurs abris en signe de protestation pacifique ont été tenus en joue par des flashballs puis matraqués et certains interpellés.
- De nombreux réfugiés n’ont pu ni récupérer leurs effets personnels et leurs papiers d’identité, ni trouver une solution alternative pour leur hébergement.
- Les forces de police ont maintenu à l’écart les citoyens par un large cordon qui encerclait les abris concernés par l’expulsion empêchant ainsi le regard citoyen sur les actions des autorités.
- Cette opération policière s’est accompagnée de gazage massif et d’utilisation d’un canon à eau de manière indiscriminée et non proportionnée face à une opposition qui affichait clairement sa volonté pacifiste. Ces attaques n’ont fait l’objet d’aucune sommation préalable.
- Dès le début des opérations, les policiers ont refusé la mise à l’abri des enfants et des familles dans l’école du Chemin des Dunes, les exposant ainsi aux gaz lacrymogènes et à la violence de la répression.
- Un enfant de 13 ans a été interpellé et emmené par les forces de l’ordre, sans possibilité de contact avec lui.
Au regard de ces faits, force est de constater que les agissements de l’Etat ne respectent aucun des engagements pris publiquement depuis plusieurs jours : absence de brutalité et de violence, concertation et dialogue, délai pour la mise à l’abri des personnes. Le ministre de l’intérieur lui-même indiquait lors de son discours au Mans le 22 février qu’« à Calais, c’est une solution d’hébergement pour tous qui est proposé pour résorber un bidonville. Ce n’est pas de dissoudre la souffrance dans le vide avec brutalité. Ce que nous voulons faire dans la zone sud de la Lande, c’est une opération de mise à l’abri ». Il poursuivait le 25 février à Bruxelles qu’il « n’a jamais été question pour le gouvernement français d’envoyer des bulldozers sur la lande pour procéder à une dispersion des migrants ».
Ce discours lénifiant de l’Etat ne vise qu’à camoufler la réalité : l’Etat ne respecte pas ses engagements. Il entend parvenir à la démolition complète d’un bidonville qu’il a lui-même créé en avril 2015, et ceci par tous les moyens sans aucune considération pour les réfugiés, ni pour les Calaisiens d’ailleurs. Car tout comme les migrants, ils subissent depuis maintenant plus de 20 ans la même politique de l’échec. Celle qui consiste-de Sangatte à l’actuel démantèlement de la Jungle- à croire qu’en déplaçant le problème on le résoudra.
Organisations signataires
Auberge des migrants
Care4Calais
Collectif Fraternité Migrants Bassin Minier 62
CSP 59
Emmaüs France
FSU 59/62
Help Refugee
Itinérance Cherbourg
Le Gisti
Ligue des droits de l’homme (LDH) Dunkerque
MRAP Dunkerque
Secours Catholique Caritas France
Terre d’errance
Utopia 56
Quelle absurdité et quelle honte de détruire la solution d’urgence apportée par les citoyens solidaires en renvoyant plus de la moitié des réfugiés dans la rue en plein hiver ( il tombait de la grêle hier). Dans l’immédiat, c’est d’amour et de considération humaine dont les migrants ont besoin.
Quand je constate toute l’énergie et l’argent consacrée par l’état à la destruction d’une « jungle » citoyenne, je décide de transformer ma colère et ma tristesse en espérance. Je rêve de voir un jour ce même état utiliser ces moyens financiers et humain (miliers de Crs, buldozers, travailleurs sociaux d’état…) à la création de réels moyens d’accueil adaptés aux projets de ces êtres humains…
Quelques minutes avant de se voir forcés par les CRS de quitter leur refuge et de se retrouver à nouveau dans la rue, les migrants ont encore le réflexe d’offrir un thé, un peu de nourriture aux bénévoles venus les soutenir… Leur résignation à accepter ce traitement est pour moi inacceptable, insoutenable, ils sortent de la guerre et méritent une toute autre considération… Des bombes forcent des gens à quitter leurs pays tandis que les européens malheureux ferment leurs portes à clé pour consommer des antidépresseurs… Je crois qu’il est plus que temps d’apprendre, ou plutôt de réapprendre à vivre ensemble…
Mars 2016 : Soutient d’une rwandaise !
Je partage un courriel que je viens de recevoir.
Jeanne-Marie rugira est réfugiée du génocide du Rwanda. Elle a été accueillie comme réfugiée politique au Québec et est désormais psychopédagogue et Docteure en Sciences de l’éducation à l’université de Rimouki. Je l’ai rencontrée lors d’un voyage à l’automne dernier. Elle a écrit ce texte en réponse à mon message précédent :
Très Cher Samuel !
Troubadour cher à mon coeur !
Si tu savais comme le son de ta voix résonne encore dans nos maisons comme dans nos coeurs !
Quelle émotion de lire tes mots au coeur de cette tempête hivernale, qui nous intime l’ordre de rester au chaud et de louer le ciel pour ces maisons privilèges qui nous protègent des rafales de vents et du froid glacial.
Tes mots cher Samuel telle une brise fraiche sur une brûlure, apaise les bleus de mon coeur.
Ta parole édifiante qui dit la vie des sans paroles me rendent à mon humanité et à notre fraternité universelle.
Ton indignation cher ami des hommes me redresse la colonne et me consolide les piliers du coeur
Me purifie l’âme qui peine parfois à ne pas céder devant la folie du monde.
La « jungle» de Calais nous disent les médias doit être démantelé !
Ces journalistes semblent avoir oublié l’essentiel !
Ils ont échappé qu’un migrant est encore un être humain.
Privé de sa terre natale, de parole et d’appartenance certes, mais encore un humain.
Les migrants se cousent les lèvres à Calais pour symboliser la violence réelle et symbolique qui leur est faite !
Oui pour certains ces hommes, ces femmes et ces enfants ne sont que des errants !
Privé de terre natale, ils quémandent une terre d’accueil et un peu de bienveillance
Ils n’ont ni noms – ni visages propres – ils sont fondus dans une masse indifférencié
On les appelle les migrants de la jungle de Calais. Qui aurait dit qu’on penserait un jour à la France en parlant de la jungle.
Et voilà que toi Samuel, tu nous invites à marcher à nous sortir de notre inertie pour aller à la rencontre de ces frères en humanités
tu parles d’eux comme des êtres singuliers – un père de famille qui veut juste protéger les siens comme tous les pères du monde !
Je voulais juste te dire que je suis avec toi dans cet élan plein d’humanité !
Fraternellement
Jeanne-Marie
27 mars 2016 : la vie continue
Le démantèlement de la zone sud de la jungle de Calais a eu pour effet de sur-peupler la zone nord. Certains exilés ont décidé de demander l’asile en France mais la plupart souhaite toujours rejoindre l’Angleterre. On sent une grande fatigue psychologique chez les migrants…
Le camp de Grande-Synthe près de Dunkerque, construit par Médecin sans frontière est désormais fonctionnel. il est géré par l’association Utopia 56. Les exilés qui vivent sur ce camp, essentiellement des kurdes, bénéficient désormais de conditions de vie « humaines » ( sol « sain », habitat hors d’eau, douches, repas quotidiens). Ils manifestent leur gratitude à l’égard des bénévoles et salariés des associations investies et ceux de la commune…
Quelques idées de projets sur ce camp de Grande-Synthe :
Une laverie, des cuisines collectives, un centre pour les femmes et les enfants, un terrain de football, un jardin…
Il semble important de créer des liens entre les populations françaises et les exilés pour combattre les idées véhiculés par la plupart des médias dont le but semble être d’entretenir un climat de peur…
Que ce soit à Calais, à Grande-Synthe où dans les plus petits camps de la région, tous les gens qui prennent le temps de venir à la rencontre des exilés découvrent les sourires et les regards d’êtres qui deviennent parfois leurs amis…
Des questions restent présentes à mon esprit :
– Comment aider sans assister et créer une dépendance ?
– Comment intégrer des gens qui ne souhaitent pas vivre là ou ils sont? ( ces hommes, femmes et enfants souhaitent rejoindre l’Angleterre…)
– Comment faire changer ces êtres à la tête des entreprises qui profitent de ces guerres, ceux qui exploitent la misère humaine ( politiciens, passeurs…)?
Mai 2016 : Tournée des écoles du Calaisis
Depuis trois semaines, je sillonne les écoles du Calaisis pour partager des « bonnes nouvelles du monde ».
J’offre le récit de mes voyages dans les écoles. Les enseignants m’accueillent avec enthousiasme et les élèves écoutent avec intérêt. Pour l’instant, je suis allé à Brême, Audruicq, Andres, Landrethun, Mark ( deux écoles), Blériot –Plage, au collège Martin Luther King… 55 classes environ soit plus de 1400 élèves…
Je leur raconte des anecdotes concernant l’accueil très chaleureux sur les cinq continents. Je raconte l’aide quotidienne des syriens (j’ai traversé leur pays avant leur conflit en 2008), la gentillesse des pakistanais qui m’avaient soigné gratuitement à Peshawer, les moments avec des bergers en Chine… Le monde redevient un lieu de rencontre, de partage de cultures et d’amitié : Un monde d’entraide… Je conte des histoires entendues dans mes voyages dont les messages aident à grandir positivement… (contes de Nouvelle-Zélande, d’Afrique, d’Asie, des Amérindiens du Canada, de Bretagne, d’Arménie et du proche Orient…
Je raconte aussi ma rencontre avec les Migrants de Calais, leur accueil chaleureux et leur joie en écoutant les chansons ramenées de leurs pays ainsi que leur tristesse lorsqu’ils me parlent des membres de leur famille, du pays qu’ils ont laissé derrière eux…
Les enfants me partagent leur vision des migrants de Calais et je découvre beaucoup de préjugés :
« Ils ont des couteaux » (petite fille de 7 ans), « Ils ont des armes et font des attentats à Paris » ( garçon de 7 ans), « Ils ont tous des iphones que leur achète François Hollande » ( garçon de 10 ans), Ils ont la galle ( garçon de 9 ans), « ils sont tous noirs » ( enfant de 7 ans)…
D’autres tempèrent les propos de leurs camarades « mais non, il y a beaucoup de migrants gentils »… Ils comprennent que ces portables sont leur seul lien avec leur famille laissée au pays et avec celle qui les attend en Angleterre…
Peu à peu, les enfants comprennent qu’être voyageur français est bien plus facile que d’être migrant…
L’appétit des enfants pour les contes semble insatiable et mon personnage de voyageur les fascine. Lorsque je leur explique que je passerai mon anniversaire à la « jungle » de Calais avec mes amis migrants, ils semblent ouvrir une porte dans leurs esprits, une porte de tolérance, une porte d’humanité envers des êtres qui eux aussi ont besoin de ressentir l’amitié, l’amour pour se sentir exister…
A la fin de la rencontre, ils semblent tous partant pour venir fêter mon anniversaire avec mes amis migrants… Un jour j’espère que l’on pourra le faire car, comme le disait Martin Luther king : » Je rêve qu’un jour, les descendants des esclaves et les descendants de ceux qui en furent les maîtres puissent s’asseoir à la table de la fraternité et partager le même pain… »
Je ne peux m’empêcher d’avoir une dent contre les médias qui transmettent l’esprit de la peur et manipulent les esprits des adultes et indirectement, ceux de leurs enfants… Il est tellement plus facile de gouverner et de manipuler un peuple qui a peur… Les personnes âgées sont nostalgiques de la vie des français il y a 60 ans, les veillées entre voisins, les soirées chants, danses, contes, jeux, et la solidarité envers l’étranger, celui qui passe, qui a besoin d’aide et qui offre son histoire et les richesses de ses différences… Ceux sont pourtant eux qui ont accepté la modernité sans se questionner… Désormais, l’ère les iphones, d’internet et des écrans plats privent nos enfants de leur culture… Comment peut-on espérer façonner des adultes tolérants et respectueux de l’humain si on ne donne pas des racines riches et profondes à nos enfants ? Il me semble qu’il soit grand temps d’arrêter de chercher des boucs émissaires à nos problèmes chez les descendants des êtres que nous avons colonisés… J’ai souvent honte des discours des gouvernants de mon pays… Les fautifs à notre mal-être ont la peau blanche et se nomment « banquiers, financiers, spéculateurs, industriels, grande distribution, médias… » Lâchons nos outils technologiques et réapprenons à vivre ensemble, c’est tellement bon d’être humain… Aller, l’espoir est toujours là, il est encore temps de réapprendre à chanter, conter et danser ensemble ! Il faut juste avoir envie de recommencer…
1er juin: un troubadour à Hénin-beaumont
J’ai continué mon périple en passant par une nouvelle commune « sinistrée par les médias » et je suis allé offrir des bonnes nouvelles du monde aux enfants. L’accueil y a été très bon, les habitants m’ont orienté vers les écoles dont les directeurs et principaux m’ont ouvert les portes. Tous ces descendants des mineurs immigrés semblent friands d’entendre que l’on peut choisir de vivre de troc, de partage sur les routes alors que les relations dans notre pays sont influencées par « Vigipirate » et les simulations d’alerte à l’attentat dans les écoles.
Une élève de 5ème me dit : « vous avez eu raison de ne pas écouter les médias et de vivre votre rêve »
Il appartient à chacun de le faire… Je suis conscient du choc que provoque cette vision du monde comme d’un terrain de jeu pour les êtres souhaitant partager… Pourtant, c’est en voyant la pureté des regards de ces jeunes encore proches de leur cœur, leurs sourires, que je m’empli de la force de poursuivre… Une petite fille me dit même, « ici, je ne crois pas que les habitants t’ouvriront leur porte, ils ne sont pas très gentils ». Je la rassure en lui disant que lorsque tu es persuadé que les gens peuvent t’aider, ils le font…
En entendant une classe de CE2 chanter : « ouvrez, ouvrez, la cage aux oiseaux, regardez les s’envoler c’est beau… » Je ne peux m’empêcher de repenser à mes amis migrants coincé à Calais face au « mur » qui leur interdit l’accès à l’Angleterre… Alors, je prends mon accordéon et déambule sur le marché d’Hénin-Beaumont en offrant de la musique dans la grisaille. Ici faire la manche a été interdit par la mairie mais la pauvreté existe toujours et la solidarité semble encrée chez des êtres en manque de poésie. Les clients et commerçants esquivent des pas de danse, un commerçant m’offre des légumes sous les regards des agents de police municipaux a qui on permet désormais de porter une arme…
Je suis invité à revenir dans les écoles de la commune, oui, c’est important, je reviendrais à Hénin-Beaumont.
13 juin 2016 : Fin de séjour à Calais
Invité dans quelques dernières écoles, j’ai rendu visite à quelques classes de primaires et collèges de Marck, Bouquehault et St pol sur Mer, Boulogne… Après avoir vu 80 classes, je suis toujours touché par les réflexions de certains enfants qui sont persuadé que « les migrants sont méchants ». Je les laisse libres de leurs pensées, en leurs disant que je ne suis pas d’accord avec eux, je ne peux que leur offrir une autre perspective de celle transmise par les médias et leur environnement… En fin d’interventions, je suis rassuré en constatant que ces enfants, « ces éponges à informations », malgré leurs réflexions du départ, n’ont pas perdu leur enthousiasme pour la vie et la découverte de l’autre, de la différence…
Quitter les Calaisiens est émouvant car, ne connaissant personne à Calais en arrivant en janvier, ce sont eux qui par leur accueil (hébergement, douches, repas, partages, contacts…) m’ont permis de me ressourcer, de tenir, de souffler dans les moments difficiles…
Je suis retourné sur les camps de Grande-Synthe et de Calais pour faire un bilan :
-Le camp de Grande-Synthe permet un accueil plus digne dans des logements salubres (douches, repas…). La laverie qui fonctionne 7j/7 grâce à l’aide des bénévoles permet de diminuer le gâchis de vêtements… On m’a dit que le nombre de migrants diminue dans le camp. Pourtant, il augmente à Calais et dans les petits camps « sauvages ». J’ai compris que la volonté « politique » de la préfecture (qui gère désormais le camp) n’était d’accueillir, elle est plutôt de fermer peu à peu ce camp de Grande-Synthe. J’ai d’ailleurs vu les première 16 cabanes être enlevées vendredi dernier… D’autres suivront…
Pourquoi construire un camp si on ne veut pas accueillir ?
Cette action « médiatique » du maire de Grande-Synthe et de MSF me laisse perplexe : Pourquoi dépenser tant d’argent et d’énergie humaine pour quelque chose voué à ne durer que quelques mois? Le fait-il pour les autres ou pour lui ?
D’ailleurs, de manière générale, l’être humain fait il les choses pour les autres ou pour lui-même ( dans quelles proportions) ?
-A calais, la Jungle séparée du reste de la ville par un grillage qui vient d’être rallongé continue d’être un « lieu d’exclusion ». La destruction de la zone sud (encore une opération médiatique…) n’a fait que déplacer la jungle et de précariser encore plus les êtres humains qui y survivaient… En disant au revoir à ces hommes à qui j’ai rendu visite chaque semaine depuis 5 mois, mes émotions sont intenses… Ils me disent de ne pas m’inquiéter tandis que je pars et les laisse croupir dans leurs difficultés… Ils méritent tellement mieux. Les syriens m’offrent un dernier repas à 22h (après leur journée de ramadan loin de leur famille…), je conte une dernière histoire à la lumière des bougies et au son du psaltérion… Une histoire celte… L’un d’entre eux la traduit en arabe, et j’observe leurs regards d’enfants, plongés dans les images de leur imaginaire… comble de cette situation illogique, ils insistent pour me donner quelques provisions pour ma route, ils les ont achetées avec l’argent qu’il leur reste pour leur voyage… Vers minuit, ils me raccompagnent dans la nuit à mon camion… Au loin, les gyrophares des cars de CRS me rappelle que cette situation n’est pas humaine, qu’elle doit changer. L’un des syrien me dit : – Avec le temps (11 mois), nous nous sommes habitué à voir ces bénévoles qui nous rendent visite, mais nous ne t’oublierons pas, toi et tes histoires, rendez-vous en Angleterre inchallah (si Dieu le veut)…
Je termine ce journal de Calais par quelques mots écrit depuis la dune qui surplombe le camp, un lieu ou je souhaite que chaque français puisse venir se recueillir quelques minutes pour observer et pouvoir modifier sa vision d’un lieu qui ne devrait exister nulle part:
La jungle :
Ce lieu qui nous dépasse tous…
Entre l’autoroute et les réfugiés,
Des grillages toujours plus hauts,
Au pied desquels, les CRS patientent…
Ici, les langues se mélangent,
Les conversations téléphoniques,
Moments en cuisine, autour d’un ballon.
La jungle s’est déplacée
Mais ses rires persistent
Libres
De la caravane de bienvenue
Aux cuisines multiculturelles
Les gens se succèdent
Et les douleurs persistent,
Mais l’esprit déterminé persévère.
L’amour uni et même le vent parfois froid
Fini par caresser
Patience…
De derrière cette frontière,
Tu observe le vol des oiseaux et tu rêve de liberté
Une nouvelle tente se dresse
Un nouveau sourire m’est offert
Tandis que d’autres visages
Ici depuis des mois,
Patientent…
Oui, ce lieu de transition
Beau et immonde,
Triste et joyeux
Est en chacun de nous
Il est une facette de l’homme…
Cet homme du présent
Qui regarde vers son avenir
Humblement
Aujourd’hui, il est là
Et demain ?
Demain n’est pas encore né…
Alors,
Continuons de nous sourire aujourd’hui…
Je reprends la route de la Bretagne pour d’autres partages avant de certainement repartir sur les routes…
1er juilllet 2016 : Soirée Récit
Au mois de novembre dernier, en entendant les nouvelles de la crise migratoire, j’avais voulu comprendre la situation de ces hommes et leur famille dont le rêve est de se rendre en Angleterre. Lors de mes voyages j’ai été si bien accueilli dans des familles syriennes, pakistanaises, iraniennes que j’ai chercher une manière de les aider. En janvier, je me suis rendu à Calais et me suis investit de différentes façons auprès de réfugiés tout en recueillant les points de vue (ceux des migrants), des calaisiens, des forces de l’ordre et des bénévoles français et étrangers… Après avoir passé cinq mois sur place, je reviens quelques jours à Ploeuc sur lié. Je ferais un petit bilan de la vie là bas, de l’acheminement des dons récoltés en Bretagne et témoignerais de mes interventions dans 80 classes de la région de Calais…
Rendez-vous à la salle des Ecolailles de Ploeuc sur lié le vendredi 1er juillet à 20h15.
Entrée libre (possibilité d’apporter un dessert ou une boisson qui seront partagés à l’issu de la rencontre)
Blog qui donne des nouvelles de Calais :
https://passeursdhospitalites.wordpress.com
La vie d’un troubadour à travers le monde au 21ème siècle
Samuel ALLO, originaire de Bretagne, voyage de village en village uniquement à pied et en stop, pour offrir des contes, des chants, des danses, de la musique…
Partout où il passe, il reçoit l’hospitalité humaine et découvre la sagesse des autres.